Aequitas-fides

PAROLES d'EXPERT : 3 QUESTIONS A...

Interview exclusive AEQUITAS & FIDES (06/2020)

Sophie Perrault

Managing Partner, Aequitas & Fides

« Le marché du recrutement des cadres en 2020 »

Aujourd’hui, certains profils sont très recherchés par les entreprises, mais l’offre ne permet pas de satisfaire la demande. Cette situation de pénurie de talents engendre des tensions et une concurrence accrue entre les entreprises pour les séduire et les recruter. Les profils adéquats sont, ainsi, de plus en plus difficiles à trouver.

L’an dernier, le chômage des cadres était d’environ 3,3 %. En 2018, il était de 3,8 %. Selon l’APEC, 260 000 recrutements de cadres devraient se concrétiser en 2020, contre 255 000 en 2019 et 251 000 en 2018. L’organisme paritaire confirme la bonne santé du marché des cadres qui continueront de profiter de la conjoncture. Les prévisions pour 2021 s’orientent vers 300 000 recrutements de cadres.

Le marché est donc concurrentiel pour le recrutement de cadres et de profils jeunes diplômés d’un niveau Master et plus, notamment sur les profils d’experts, tous secteurs confondus, d’une part, et de spécialistes en informatique, au sens large, d’autre part (forte polarisation autour de certains métiers).

Le nombre d’années d’expérience est un critère assez segmentant. Aussi, depuis deux ans, les cadres qui profitent le plus des opportunités proposées par les employeurs sont ceux affichant jusqu’à dix années d’expérience, soit environ 60 % des recrutements. Les plus expérimentés (quinze ans d’expérience et au-delà) représentent 11% d’entre eux.

Par ailleurs, la rémunération des cadres augmente pour deux tiers des entreprises qui ont embauché l’an dernier en raison de la rareté des profils et de la vive concurrence entre les entreprises pour acquérir les meilleures compétences.

Pour certains postes en grande pénurie, la loi du marché est inversée : ce sont les candidats qui choisissent leur employeur. Il est donc essentiel d’avoir une communication interne et externe efficiente, aussi bien pour les candidats potentiels que pour fidéliser les collaborateurs en poste.

1/ Quelles spécificités pour les métiers de la Data et de la Supply Chain ?

Pour répondre aux enjeux économiques et sociétaux actuels, c’est dans le secteur des métiers de l’informatique que les tensions du marché de l’emploi sont les plus fortes, ainsi que dans la production industrielle et les études recherche & développement.

En France, le secteur de l’IT représente près de 50 milliards d’euros et 480 000 salariés. Plus des trois-quarts des entreprises de ce secteur rencontrent de réelles difficultés pour recruter.

Un important besoin de profils cadres se fait sentir pour piloter les évolutions technologiques autour de la data, de la cyber-sécurité, de l’intelligence artificielle ou de l’usine du futur. En effet, ces domaines d’activités concentrent une grande partie des efforts en investissement des entreprises pour rester compétitives sur leur marché.

La transformation numérique, incontournable pour toute structure, notamment de services, pousse les organisations à recruter prioritairement des profils qualifiés pour gérer ces transformations structurelles et la conduite du changement obligatoirement associée.

L’an dernier, le recrutement des profils spécialisés sur les métiers de l’Informatique a augmenté de 20 % et celui des ingénieurs d’études, recherche & développement de 18 %.

Les salaires de référence pour l’année sont les suivants :

Quant au marché de l’emploi du Transport et de la Logistique, rappelons qu’il représente 2,3 millions de salariés (soit 7 % de la population salariée de l’économie française). Il s’agit essentiellement de postes dits « coeur de métier » ou « support » chez un prestataire de service, très majoritairement à temps complet et en contrat à durée indéterminée (90 % des postes).

Au niveau des perspectives d’évolution du secteur en matière de recrutement, le nombre de techniciens et de cadres devrait continuer de croître (respectivement +1,8% et +1,2 % par an) pour une création d’environ 540 000 postes à horizon 2022.

Les rémunérations de référence actuelles pour les métiers du Transport et de la Logistique sont les suivantes :

Les métiers cadres de la Supply Chain représentent le moteur de la compétitivité pour de nombreuses organisations. En effet, dans un environnement de plus en plus concurrentiel, les schémas directeurs sont axés sur la gestion optimale de la demande et de l’exigence client, avec un service et une relation de plus en plus individualisés, tant pour le consommateur final que pour les fournisseurs.

La digitalisation de la Supply Chain et l’expansion du e-commerce ont des impacts directs, réels et profonds dans le parcours d’achat du consommateur. En conséquence, les projets sont désormais transverses et reposent sur une méthodologie agile indispensable à leur conduite. L’optimisation des flux logistiques et la planification S&OP (Sales & Operations Planning) représentent des sujets majeurs. La réduction des coûts, notamment des approvisionnements et des stocks, et la minimisation des risques constituent des objectifs prioritaires pour les cellules Supply Chain. La notion de prédictif a complété, voire remplacé, celle de préventif. La place des systèmes d’information, et leur optimisation, est centrale dans la réflexion.

Ce contexte VUCA (Vulnerability – Uncertainty – Complexity – Ambiguity) dans lequel évoluent les entreprises depuis quelques années requiert des compétences en matière de Data, couplées à une expertise en Supply Chain, pour penser, structurer et déployer les meilleures  stratégies de développement à court et moyen terme.

Plus que jamais, l’importance de recruter le collaborateur le plus adapté à son environnement pour relever ces challenges complexes et structurels est cruciale. La bonne adéquation des Hommes dans l’organisation permettra de répondre aux objectifs fixés et d’atteindre les résultats escomptés. Robert Half indique que près de la moitié des directeurs généraux considèrent que la pénurie de talents est une tendance du marché de l’emploi qui impacte leur entreprise.

Dans ce contexte, l’investissement que représente la recherche de la parfaite adéquation entre le poste et le profil recherché est à la hauteur des enjeux déterminants et décisifs pour l’entreprise.

2/ Comment attirer les profils attendus dans ce contexte compliqué ?

Les candidats s’orientent, chaque fois, plus vers un projet plutôt qu’un poste. Ils positionnent leur épanouissement personnel, l’ambiance de travail et le bien-être au centre de leurs priorités professionnelles.

Qu’ils soient passifs ou en recherche active, avant de postuler, ils s’attardent aujourd’hui davantage sur les pratiques managériales, la culture d’entreprise, les conditions de travail et les valeurs qu’elle défend (par exemple, existence d’un plan RSE -Responsabilité Sociétale des Entreprises-).

A l’inverse, si des informations négatives remontent, plus de la moitié d’entre eux abandonnent leur candidature. A noter également qu’un tiers des recrutements qui ont lieu via un contrat à durée indéterminée sont interrompus dans leur première année de réalisation.

De plus en plus d’entreprises se lancent donc dans des accords QVT (Qualité de Vie au Travail) pour fidéliser les talents, devenus plus exigeants lorsqu’ils regardent les offres extérieures.

Guide des salaires 2020, Robert Half

Faire connaître votre entreprise, interpeller et attirer les candidats est incontournable. Dans ce processus, l’image que vous renvoyez doit surprendre favorablement pour susciter l’adhésion des candidats ciblés.

Voici quelques points à garder en tête pour optimiser vos actions dans cet esprit :

  • Identifier les atouts de votre entreprise et les raisons que vous mettez en avant pour vous rejoindre. Tous les profils ne sont pas faits pour votre organisation et, inversement, votre organisation ne convient pas à tout le monde. Pour votre entreprise, l’idée principale est de vous positionner dans le radar des profils qui vous intéressent, et non pas de tous les profils sur le marché.
  • Aborder l’histoire de votre entreprise, ses spécificités, sa culture et ses valeurs. Communiquer autour des actions réelles et concrètes que vous développez pour démontrer aux candidats potentiels et aux collaborateurs internes que vos actes sont en parfaite adéquation avec le discours porté par la Direction des Ressources Humaines.
  • Déployer une présence la plus optimale possible sur les réseaux sociaux professionnels, en proposant à vos collaborateurs de relayer du contenu à diffuser sur leurs propres réseaux. Partager l’actualité interne de l’entreprise, sans entrer dans des éléments trop anecdotiques afin de ne pas desservir la communication. Si des événements clés dans la vie de l’entreprise peuvent être complétés avec d’autres événements de moindre dimension, l’important est que la communication reste pertinente, au risque de n’engager aucun suivi, notamment sur les réseaux sociaux.
  • Dynamiser le réseau de vos collaborateurs actuels et anciens par l’animation d’un réseau d’entraide et de cooptation, auquel ils pourront appartenir tout au long de leur carrière, en leur assurant que votre porte leur sera toujours ouverte. Les collaborateurs partis en bons termes sont d’excellents ambassadeurs de votre Marque Employeur et de votre image. McKinsey est l’une des premières entreprises à avoir mis en place un tel système, lequel a largement fait ses preuves depuis.
  • Impulser une dynamique d’expertise et un ton stimulant, humain et différenciant de vos concurrents. Montrer à vos audiences interne et externe que « you really care », sortez du discours de marketing RH formaté auquel les collaborateurs n’adhèrent plus et vis-à-vis desquels ils ne sont pas dupes. Eviter les formules toutes faites, galvaudées, et stéréotypées pour vous orienter vers plus d’authenticité et de sincérité dans le discours. Personne n’est parfait, vous non plus ! Le reconnaître à demi mots est déjà une forme de transparence et de respect envers vos interlocuteurs.
  • Formaliser un processus de recrutement simple, clair, rapide et efficace. En 2020, aucun candidat ne souhaite passer par des « rounds » interminables de sessions d’entretiens pour un poste dont vous et lui ne connaissez pas encore la véritable temporalité au moment de la prise de poste. La période d’essai, et son renouvellement très souvent systématisé, est précisément là pour vous permettre, en tant qu’employeur, de lever d’éventuelles réserves sur le choix du candidat. De la même façon, cette période permet aux candidats retenus de se donner le temps de juger si votre environnement leur convient ou non, avant de s’engager de façon plus pérenne dans une collaboration avec votre organisation.
  • Communiquer sur votre politique de gestion des carrières, en abordant notamment le processus d’intégration des nouveaux collaborateurs, ce qui correspond à une attente forte du marché. Les candidats veulent être rassurés sur le fait que vous avez pensé et travaillé ces éléments, et que vous proposez, autant que faire se peut, un accompagnement, aussi individualisé que possible, et des actions et indicateurs de suivi des parcours des personnes que vous accueillez en poste.
  • Travailler les descriptifs de mission que vous communiquez aux candidats, tant dans la présentation de votre entreprise que dans le détail du contenu des missions du poste proposé. Rappelons que, dans ce marché très tendu, l’offre d’emploi joue un rôle de « teaser » pour inciter le candidat à postuler. Elle joue le même rôle, par analogie, que le CV du candidat vis-à-vis du recruteur : donner envie d’en savoir plus sur la personne. Pour illustrer ce point, il faut se rappeler qu’un candidat peut consulter jusqu’à plus de 20 sources différentes dans sa recherche, et les entreprises reçoivent presque deux fois moins de candidatures par offre diffusée qu’il y a cinq ans.

 

Sophie PERRAULT dirige le cabinet de recrutement AEQUITAS & FIDES. C’est une professionnelle aguerrie au recrutement de cadres et cadres dirigeants pour les métiers de la Data et la Supply Chain. Spécialiste du marché du travail, Sophie est en contact permanent avec les DRH de nombreuses entreprises, de toutes tailles et de tous secteurs d’activités, avec lesquels elle analyse les enjeux rencontrés pour les tendances à venir. Ils construisent ensemble les solutions les plus adaptées pour chaque structure et chaque environnement d’entreprise. Sophie met quotidiennement à profit ses 20 années d’expérience dans le recrutement, l’attraction, l’acquisition et la rétention de talents au service des recruteurs et des candidats avec lesquels elle entretient des liens très privilégiés. Professionnelle fortement sensibilisée aux relations interpersonnelles et interculturelles, Sophie a travaillé dans plusieurs pays. Elle parle couramment anglais et espagnol. Elle est diplômée d’un Master 2 Professionnel Stratégie commerciale et Politiques de négociation de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, obtenu à la suite d’un BA en Marketing International à Leeds Beckett University en Angleterre.

 

Sources :
Guide des salaires Robert Half 2020.
Etude APEC/AFT, référentiel des métiers du transport et de la logistique, Edition 2018.
Etude APEC Perspectives de l’Emploi Cadre 2018 et septembre 2017.
Etude LinkedIn octobre 2017.